Alors ça y est, nous y voilà. Face à face en chair et en os. Depuis le temps que tu me nargues avec ce tête à tête. Vas-y profites en, savoure même!

De toute façon, cette victoire, ta victoire était assurée depuis le début. Depuis que tu existes, personne n’a jamais pu t’arrêter!

C’est un vrai combat déloyal dans lequel je me suis lancée avec acharnement. Je me débats, j’essaye de ne pas couler et dans un ultime souffle de survie, je te balance « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » . Peine perdue car évidemment, toi les belles phrases de vie, tu t’en balances. Tu me rappelles bien qu’aucune négociation n’est possible.

Puis tout d’un coup, le brouhaha ambiant nous entraîne, nous nous retrouvons propulsés dans mon salon, avec une chanson qui fuse de tous les côtés, des applaudissements à éclater mes tympans, et mon prénom qui est repris en cœur par toute l’assemblée. Je me retrouve au milieu de tout cela et je suis à la limite du suffoquement. Je suis KO.

Et toi qui me regardes avec insistance, tu ne me facilites pas la tache. Je suis comme prise au piège alors que je suis entourée uniquement de personnes qui m’aiment.

Même toi, tu as fait un effort sur ta tenue de cette année… Mais n’essaye pas de m’amadouer, j’y vois très clair dans ton jeu, depuis le temps que je te pratique. Ton dresse code en mode fête, tes couleurs pailletées et ta musique n’y changeront rien. Cette année tu es venu, avec toutes tes copines et l’on sait très bien tous les 2, que ton cercle d’amies que tu m’imposes chaque année, ne va faire que s’agrandir au fur et à mesure. Heureusement qu’on ne se croise qu’une fois par an, car pour moi c’est déjà trop !

Je te supplie de remballer  les bougies et de mettre simplement mon compteur à jour. Et une fois ta mission terminée, fous moi la paix!

Cet aparté n’a duré que 10 secondes, mais ce fût les secondes les plus éprouvantes de ma soirée.

Je reviens à la réalité du moment et j’entends mes copines me crier « Allez! Fais ton vœu et souffle chérie! ».

Une fois que j’aurai soufflé, tout sera concret. Je prends une bonne inspiration, le décompte se met en route « 1, 2, 3 » et hop en 3 petits chiffres, tout un nouveau chapitre s’ouvre à moi. La vingtaine fait désormais place à la trentaine. Alors ça y est nous y voilà : j’ai 30 ans.

Ce moment, je l’avais imaginé depuis toute petite, parce qu’on m’ a toujours dit que 30 ans rime avec je cite « la meilleure période dans la vie d’une femme ». Rien que ça! Pas de pression. A mon avis, c’est un test et c’est à ce moment là que la naissance des futurs Calimeros trentenaires se met en marche…

On est donc censée avoir mis en place tous les fondamentaux, c’est à dire les fameuses cartes boulot-famille- amitié- immobilier – automobile (et pour les irréductibles premières de la classe: l’animal domestique)  pour que tout se déroule, sans encombre dans la décennie à venir.

Seulement voilà, qu’arrive – t – il aux brebis galeuses qui sortent des sentiers battus et osent défier  cette équation ancestrale devenue ‘la norme’?

Et si ‘tout avoir’ ce n’était pas systématiquement faire comme la majorité mais plutôt prendre des risques, écouter son instinct et assumer celle qu’on a envie d’être quelqu’en soit le résultat?

Voilà pourquoi à cet âge bien précis, la scission devient donc inévitable, d’un côté les autoroutiers qui tracent leur chemin à 140 km/heure et suivent l’autoroute, toujours tout droit et sans encombre. Et de l’autre les déparmentaliers qui vont manger des kilomètres (car les raccourcis on le sait tous, sur cette voie ils existent pas), se familiariser avec les galères diverses et variées, pour arriver je ne sais pas encore où , étant moi-même une toute nouvelle habitante dans cette catégorie. Mais comme me l’a dit récemment ma très inspirée voyante « La départementale c’est moins dangereux que l’autoroute. En plus, tu as le temps d’y admirer le paysage! ».

Accordons donc le bénéfice du doute à ses très sages paroles, de tout façon, c’est déjà trop tard pour faire marche arrière, car je viens de souffler sur mon gâteau, le processus est donc enclenché…